Récit de Christian Rapin, fils d'Armand Rapin, garde du corps du général De Gaulle.
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Projet :
Un projet de voyage dans le Sud-Ouest avait été prévu depuis longtemps par le général et son cabinet en avait précisé tous les détails mais, pour des raisons de politique générale, il avait été plusieurs fois reporté. Après de longues tergiversations, le mois d’avril 1961 avait été jugé globalement favorable et le plan définitif avait été établi.
Situation géo-politique :
La situation politique n’était pourtant pas sereine. Le GPRA se faisait prier pour se rendre à Évian. La banque de France s’efforçait de stabiliser le franc et l’Élysée se préparait en vue de la visite du Président Kennedy à Paris qui devait se dérouler du 31 mai au 2 juin.
Les précédents :
Un voyage dans le Sud-Ouest, le général de Gaulle n’était pas le premier à l’entreprendre. La mémoire populaire se souvient aujourd’hui encore du passage de Mac-Mahon les 29 et 30 juin 1875, de celui de Sadi Carnot les 26 et 27 avril 1888, de celui d’Armand Fallières les 29 et 30 septembre 1906 et enfin de celui d’Albert Lebrun le 15 mai 1938. Toutefois, à l’occasion de la venue de Charles de Gaulle, les passions se déchaînent dans des limites raisonnables. Les uns donnent libre cours à leur enthousiasme, les autres à une ire contenue.
L’itinéraire :
L’itinéraire prévu et qui fut effectivement suivi était le suivant : Dax, Toulouse, Montauban, Agen, Nérac, Tonneins, Marmande, Villeneuve sur Lot, Bergerac, Périgueux, Libourne, Langon, Bordeaux, Arcachon, Cazaux.
La garde rapprochée :
En plus de la garde en uniforme, le général était accompagné dans ses déplacements par une garde spéciale d’officiers de police en civil. Cinq d’entre eux, connus du grand public sous le surnom de « gorilles du général » constituaient sa garde rapprochée. Mon père, Armand Rapin, était l’un d’entre eux. Cette garde rapprochée était sous la responsabilité directe de monsieur Aubert, directeur de la Sûreté Nationale mais, le véritable chef en était le général Jacquier qui dirigeait la Police Secrète.
De Paris à Tonneins :
Plusieurs années après ce voyage, mon père avait accepté que j’enregistre ses commentaires sur magnétophone. Voici ses impressions de départ :
« Lors de notre arrivée à l’aérodrome d’Orly, j’étais à la fois ému et amusé par la pompe déployée : honneurs militaires, drapeaux, musique. Le départ de l’avion pour Mont-de-Marsan eut lieu à 13 heures. Je me suis assis sur l’un des sièges réservés à la garde rapprochée. Monsieur Pierre Chatenet, alors Ministre de l’Intérieur, m’a demandé en passant à côté de moi si les derniers rapports de sécurité n’annonçaient rien de nouveau. Je lui ai répondu que non et il parut soulagé. Peu après, mon collègue Djoudher m’a dit avant d’aller s’asseoir : Dis donc, Tonneins, ta ville natale va devenir célèbre ! »
Le voyage se révéla fatigant pour tout le monde. Le général, quant à lui, n’en laissait rien paraître mais les personnalités qui composaient sa suite étaient parfois angoissées. Mon père observe :
« Il fallait respecter l’horaire et surtout, essayer de prévoir les lieux dangereux. Avec mes collègues nous avions, avant le déplacement, repéré les postes de tir possible et nous les avions fait visiter par la police locale. Certes, elle nous aidait mais elle n’était pas accoutumée au comportement des terroristes. »
Le jeudi 13, le convoi fit son entrée à Agen à 18 heures. Le vendredi 14, à 8 heures 30, ce fut le départ pour Nérac où Michel Debré, alors Premier Ministre, rejoignit la suite du général. À 9 heures 15, le Député-Maire Gabriel Lapeyrusse accueillit le Président à Nérac. On quitta cette ville à 9 heures 45 et, après de courts arrêts à Lavardac, Vianne, Buzet, Saint-Léger, Aiguillon et Nicole ce fut l’arrivée à Tonneins.
« Nous avions reçu des pamphlets anonymes et nous en avions fait le tri afin de repérer ceux qui pouvaient être le signe de quelque complot. Pour la plupart, ils étaient le fait d’individus isolés et non de mouvements d’opinion organisés. Un des nombreux tracts reçus par plusieurs mairies, dont celle de Tonneins, devait être l’œuvre d’un mauvais plaisant. Il s’agissait d’une feuille de bristol représentant une Brigitte Bardot fortement moustachue au verso de laquelle on pouvait lire – Je vous invite à la soirée dansante donnée en l’honneur du grand Charles. Vous sauterez avec lui ! C’était signé : votre explosive Marianne. Une autre lettre, évidemment anonyme, annonçait à Tonneins un grand festival du plastic. »
Armand Rapin nota aussi, non sans humour, que l’une des équipes chargées de vérifier si des clous n’avaient pas été répandus (on en ramassera d’ailleurs une grande quantité à Cenon), se présenta à lui, quelques minutes avant l’arrivée des voitures officielles et lui remit cinq ou six petites pointes de cordonnier (des semences à tête plates utilisées par les artisans)
Il était 11 heures 10 lorsque, sous les vivats de la foule massée devant le mur de la mairie, le Président descendit de voiture accompagnée de Michel Debré et du député-maire de Nérac. Il fut accueilli par monsieur Rouaze, sous-préfet de Marmande et par monsieur Boué, Conseiller Général et Maire de Tonneins entouré de ses conseillers municipaux, à l’exception des élus communistes. Une fillette de 9ans, Annie Dubreuil, s’avança alors et récita d’une voix émue un compliment en vers. Après l’avoir écoutée gravement le Président lui dit : « Je ne sais pas qui l’a écrit mais c’est très, très joli ! » et il embrassa la fillette rouge de confusion. Armand Rapin raconte :
« Je me trouvais derrière le général avec Djoudher et une simple barrière nous séparait de la foule. Beaucoup de Tonneinquais me reconnaissaient et m’adressaient des saluts amicaux. Au premier rang il y avait mon beau-frère André Simon avec près de lui Fernand Timbeau, le père de ma belle-fille. Le protocole ne me permettait pas de m’avancer alors, ayant compris qu’ils étaient de mes proches, Michel Debré leur donna de chaleureuses poignées de mains. »
Mais le temps pressait. Une Tonneinquaise, madame Sobriale offrit au Président une plaquette qu’elle avait elle-même écrite à la mémoire de son fils Jean. Celui-ci, sorti sous-lieutenant de l’École Navale, avait été déporté puis exécuté à Buchenwald alors qu’il tentait de s’évader. La mère dit : « Monsieur le Président, mon fils est mort en essayant de vous rejoindre. Je viens aujourd’hui accomplir à sa place la mission qu’il s’était tracée ! ».
Un jeune homme, Michel Gaumi, remit 10 kg de jambon de Tonneins au général, au nom de monsieur Lavergne, charcutier.
Je laisse encore la parole à mon père :
« Des petites filles venues de Fauillet avec leurs parents ou leur institutrice s’avancèrent, les bras chargés de fleurs aux couleurs éclatantes. L’une d’entre elles apportait une botte d’asperges. Ce fut la fin du spectacle. Le général entonna la Marseillaise et, après une hésitation, les membres du Conseil Municipal et les autres officiels joignirent leurs voix à la sienne. Dans la foule, une femme s’évanouit. Il est 11 heures 27 et le bruit des moteurs des voitures officielles couvre les acclamations. Le général quitte Tonneins au milieu des cris : Vive de Gaulle ! »
Une fois ce voyage terminé, le général s’attela à la relance d’Évian. Peu après, la tentative d’invasion de Cuba à la Baie des cochons menaça un moment la paix du monde. C’est aussi en ce temps qu’à la fin de son procès à Jérusalem Eichmann répondit aux quinze questions de l’acte d’accusation : « Je suis innocent ! »
Christian RAPIN
Notes d’Alain Glayroux :
Armand Rapin est un des « gorilles » qui est le terme officiel pour désigner « la garde rapprochée » du chef de l’État. Garde du corps surtout, puisque Armand Rapin, inspecteur principal de la police, a accompagné de Gaulle durant une bonne dizaine d’années.
Armand Rapin est natif de Tonneins et un de ses fils Christian qui est l’auteur de l’article est aussi un linguiste, nous lui devons notamment le Dictionnaire Francès / Occitan en huit volumes.
La famille Rapin est liée à la famille Glayroux par un de leur ancêtre Léonard Rapin.
Nous savons aussi que la famille Debré à des attaches à Tonneins nous nous permettons de vous conseiller un ouvrage qui parle de « chez nous » : Petits souvenirs d’une grande histoire, Vincent Debré.
Le portrait de Charles De Gaulle peint par Jacques Bannel
Alain Glayroux nous dévoile qu'un artiste peintre et maquettiste Parisien marié avec une Tonneinquaise est tombé amoureux de Tonneins et a peint un portrait de Charles De Gaulle.
Jacques Bannel est né à Saint-Cloud (Hauts de Seine) le 9 décembre 1922. Jacques est le fils de Georges Bannel, agent immobilier, et de Hilda Pearkes.
Après ses études, Jacques est employé dans un cabinet d’assurance. Ce passionné de course à pied a tout juste 17 ans quand il participe au championnat de France du 800 mètres, en 1939.
Trois ans plus tard à l’âge de 20 ans, Jacques est déporté jusqu’en 1945 dans le camp de Sorau-Lausitz (55 km de Coblance) en Allemagne.
Lors d’un voyage d’agrément en Belgique en début de l’année 1950, il rencontre une jeune Tonneinquaise, Simone Forget. Après un séjour à Tonneins où Jacques rencontre sa belle-famille, le couple repart pour la région Parisienne, pour se marier.
La cérémonie se déroule à Saint-Cloud, Jacques épouse en cette fin d’année 1950, Simone Forget née à Tonneins le 9 mai 1930. De cette union naissent Monique et Françoise. Jacques et Simone ont deux petites filles, deux arrières petites filles et une arrière-arrière-petite-fille.
Après le mariage, le couple s’installe à la Garenne-Colombes, dans la banlieue de Paris. Jacques entre dans un cabinet d’assurances à Paris puis est agréée de compagnie d’assurances dont il deviendra fondé de pouvoirs. Puis c’est le départ pour Tonneins où le couple s’installe définitivement.
Jacques va ouvrir une agence d’assurances à son nom, dans la maison dont il vient de terminer la construction. Au fil des années il deviendra Agent Général.
Jacques se plaît à Tonneins et avec six amateurs il va créer « La Philatélie Amicale Tonneinquaise ». Il en devient le président en 1966 et passera ses pouvoirs en 1987 à M. Lacassagne.
Jacques consacre alors tout son temps à la peinture, et participe à de nombreuses expositions, car depuis tout petit Jacques a toujours dessiné.
En 2005, Jacques fait don à la ville de Tonneins, de 21 tableaux à l’encre de chine, constituant la collection « Tonneins en 1900 ».
Toutes ses œuvres ont été exposées à l’office du tourisme en septembre 2003.
Quelques années avant, en septembre 1999, Jacques expose notamment le portrait du maire de l’époque, Jean-Pierre Ousty. Ce tableau lui vaut le courroux et l’incompréhension du jury du salon, la presse s’en fait d’ailleurs l’écho :
« … Jacques Bannel est un artiste incompris. Comment en effet, les trois jurys chargés de décerner les prix du salon « Arts et peinture » de Tonneins ont-ils pu si pitoyablement ne pas reconnaître la qualité du portrait du maire de la ville. Rejeté par la critique juchée sur le piédestal du mauvais goût, le peintre est fort heureusement, plébiscité par le bon sens du peuple. Du moins prétend-il avoir été salué par un petit sondage mené par ses soins sur le salon. Un hommage dont on peut se demander s’il n’est pas une façon déguisée pour ces Tonneinquais, de manifester leur dévouement à leur premier magistrat. Ce qui, pour un élu, est plus réconfortant que de savoir que certains de ses administrés ne peuvent pas le voir en peinture… ». Sud-Ouest samedi 11 septembre 1999.
Cette mésaventure ne décourage pas notre artiste, et comme le dit le vieil adage « nul n’est prophète en son Pays ».
Dans la même période, des vacanciers anglais et un australien, sollicitent Jacques, car ils souhaitent après avoir vue l’exposition, se « faire tirer le portrait ».
Fort de son expérience, Jacques expose dans de nombreux salons et dans différentes villes : Paris, Lolme, Wimbledon et en Dordogne.
Nous avons listé quelques œuvres de ce peintre :
21 tableaux des vieilles maisons et rues de Tonneins (don à la Mairie).
23 tableaux des vieux métiers qui étaient exercés à Tonneins.
Une série de 5 tableaux représentants les différents Maires de la commune : Vautrain, Boué, Ropars, Ousty, Moga.
Une série de tableaux représentants des amis de l’auteur comme : Lacassagne, Bousquet, Giacalome.
Une série de bateaux tels des grands voiliers trois mats, cap-horniers Nantais.
Lors d’un séjour en Angleterre les portraits de messieurs : Procter, Dugmore Smith, Pearkes.
Quelques cathédrales en miniatures.
Des paysages, des marines.
Portrait du Général de Gaulle.
Jacques s’adonne à une autre passion le modélisme, et avec une dextérité innée il confectionne de nombreuses maquettes de bateaux et notamment « Le Belem ».
Ce bateau école Français de 1896 est un des fleurons de la flotte Française.