Article signé Alain Glayroux publié par La Mémoire du Fleuve en 2007 (numéro 41).

Notre hommage aux anciens coiffeurs Tonneinquais et, plus particulièrement, à trois familles : Léberon, Rollet et Magin, qui exerçaient dans des quartiers bien distincts de notre ville.

Léon-Vincent Léberon (quartier Saint-Pierre)

Léon-Vincent Léberon est né à Nogaro (Gers), le 19 novembre 1900. Il est le fils de Joseph Léberon (tuilier) et de Louise Labruche, (cuisinière dans un restaurant). Léon à un frère, Bernard, qui sera tué le 20 juillet 1916, lors de la Première Guerre Mondiale à Valdelancourt (Meuse).

Après son apprentissage, qu'il commence à 11 ans chez M. Lahourcade à Nogaro, Léon part à 18 ans travailler à Bordeaux. De là il va exercer à Agen, chez M. Mme Galtier, puis il pose sa valise à Tonneins.

Il travaille d'abord chez M. Mme Bert, rue Joffre, puis chez M. Mme Rollet, rue Gambetta.

En 1924 il s'installe rue des Bastions (actuellement, 25 Rue Général Leclerc).

De son union contractée avec Marguerite-Jeanne Caubet, le 5 septembre 1921 à Tonneins, naissent deux filles : Gisèle et Josine-Élisabeth.

Léon Léberon travaillera jusqu'à l'âge de 76 ans, il arrête en 1976. Différents apprentis se succèdent dans son établissement : Robert Melé (décédé à l'âge de 30 ans) ; Pierre Dégeil (qui arrête le métier pour rentrer à EDF) tout comme Roland Barthoni et Jean Laval (SNCF) ; seul André Champon restera 22 ans à son service comme ouvrier.

Pour apaiser "le feu" sur les joues de ses clients, après leur avoir raser la barbe, Léon leur passe délicatement la "Pierre d'Alun1".

Madame Gisèle Léberon, fille cadette de Léon, embrassera-t-elle aussi le métier. Elle débute le 5 juillet 1940 comme apprentie chez Mme Dautheville, cours de l'Yser à Tonneins. Elle effectuera des remplacements comme coiffeuse pour "Dames", dans différentes villes et notamment : Bagnères de Bigorre, Marmande, Le Mas d'Agenais.

Lasse des allers-retour, elle s'installe rue des Bastions, son salon jouxte celui de son père. Elle fait valoir ses droits à la retraite en 1992, après des années de labeur. Dans les différentes anecdotes que nous racontent Gisèle nous en retiendrons deux :

  • Elle se souvient très bien, pendant la dernière guerre mondiale, être aller coiffer certaines "Filles" d'une des maisons closes de Tonneins. Celles-ci donnaient toujours un pourboire conséquent à notre jeune coiffeuse,
  • Une cliente avait les cheveux tellement épais, que la "permanente" commencée le matin n'était terminée que l'après-midi (Quatre heures étaient nécessaires pour les couleurs, sachant que dans cette première moitié du XXème nous n'avions pas l'eau courante).

Gisèle Léberon, conserve jalousement des ustensiles de l'époque (voir photos), dans sa salle à manger, où son père exerçait. Dans cette collection nous découvrons les véritables "Fers Marcel", qui sont encore aujourd'hui la référence préférée des écoles de coiffures, avec bien sur l'évolution technologique qui va avec. Dans les années 40 la famille Léberon utilise : les fers à moustache, à onduler, à papillotes, à créoler, à ressort, de voyage (pliant), à gaufrer, à cranter… tous ces fers sont mis à température grâce aux réchauds à alcool qui laisseront la place aux réchauds électriques.

 

Jean-Louis Rollet (centre-ville)

Notre second personnageest un pur "produit tonneinquais", comme il se définissait lui-même.

Jean-Louis Rollet, dit Jeannot, est né à Tonneins Rue Gambetta (au-dessus du salon de ses parents), le 24 décembre 1927. Il épouse le 21 août 1961 à Tonneins, Maria Anzelin.

Son père exerce donc le métier de coiffeur rue Gambetta aidé en cela par son épouse, Berthe, qui est la seule coiffeuse pour "Dames" de Tonneins. Nous sommes en 1912.

Si nous observons la photo du magasin (Qui se trouvait en face de l'actuelle maison de la presse, rue Gambetta), nous pouvons remarquer en haut du Fronton l'enseigne : "Couronne mortuaires, fleurs etc…". Cela peut paraître surprenant mais dans notre annuaire nous retrouvons Alexis Rollet à la rubrique des coiffeurs mais aussi à celle : "Couronnes mortuaires". Sur les deux vitrines nous pouvons lire : Chemiserie – Parfumerie.

En 1930 ils sont 8 coiffeurs à Tonneins : M. Avila, rue des Tanneurs ; M. Lèberon, rue des Bastions ; M. Borda, rue Gambetta ; M. Layrac, Cours de l'Yser ; M. Delage, rue du Commerce ; M. Poque, rue de la Gare ; M. Galup, rue de la Gare.

Vers 1935, Alexis Rollet achète la maison qui fait angle de la rue de "La lune" et la rue "Saint Jean", l'entrée du salon est Place du Château, c'est là qu'exercera toute sa vie son fils, Jean Rollet. C'est donc au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale, que Jean Rollet donne ses premiers "coups" de ciseaux. Son salon ne désempli pas, c'est aussi un lieu de confidences, où certains refont le monde, d'autres médisent sur une telle ou un tel, "les neutres" écoutent et se gardent bien de prendre parti, mais ne peuvent s'empêcher de répéter les nouvelles. Cet endroit est un baromètre de sondage, bien avant la lettre.

Jean Rollet, prend sa retraite en 1983, et le salon devient salle à manger.

Rino Magrin (Cours de la Marne)

Rino Magrin, dit René, voit le jour le 19 octobre 1925 à Villa Del Conte (Italie). Il est le fils de Tullio Magrin (ouvrier) et de Maria Brunoro.

Les parents de René Magrin travaillent dans les mines du Nord de la France. Son père veut absolument que son épouse accouche dans le village de leurs ancêtres, c'est pourquoi le couple retourne en Italie.

Après cette naissance la famille repart en France, René a alors six mois, et s'installe non loin de la Garonne, dans la pleine d'Ayet à "Terre Neuve", chez le Conte de Gissac.

Pendant quelques années Tullio travaillera la terre avec sa femme. Du bord du fleuve, la famille arrive à Villeton, aux "Barthes".

C'est sur cette nouvelle exploitation que René fait une lourde chute d'un pailler, il a cinq ans. Il se déboîte la hanche et la colonne vertébrale est touchée. S'en suit cinq longues années de calvaires pour lui et les siens. Après deux ans passés dans les hôpitaux bordelais, il est dirigé à Capbreton où il restera trois ans. Puis c'est la rééducation. Malheureusement, et à son grand regret, René ne peut pas aller à l'école, il ne fera que deux ans d'études.

Durant cette période, son père change de métier et après la construction de différents ponts, écluses, il rentre à l'usine de Nicole où il finira sa carrière. Là, il casse à la masse d'innombrables cailloux qu'il doit transporter dans des wagonnets, muent à la main. Il ne profitera pas de la retraite, il décède à 59 ans.

À 14 ans René s'en va comme apprentie coiffeur Chez M. Arès dans le Cours de l'Yser, à côté se trouve le salon de Mme Dautheville où Mme Gisèle Léberon s'initie à la coiffure.

Après trois ans d'apprentissage, il part à Gontaud de Nogaret, chez M. Mazières. Son patron est un riche agent d'affaires, qui gère seulement le salon de coiffure. C'est M. Tauzin qui officie comme coiffeur, comme celui-ci part pour la Service de Travail Obligatoire en Allemagne, René Magrin le remplace au pied levé et exercera durant 15 ans dans cet établissement.

Le 31 Mai 1952, René épouse à Tonneins, Madeleine-Jeanne Castets, qui lui donnera un garçon, Patrick. Pour l'anecdote, René et Madeleine se marie le samedi après-midi à 14 heures, Georges Sorbé et Émile Remoli sont les témoins. Si tôt le mariage à la Mairie prononcé et l'apéritif offert à la famille et aux amis, René enfourche son vélo et repart à Gontaud où l'attendent les clients du salon de coiffure.

Le soir il revient à Tonneins, pour passer la soirée avec son épouse. Ce n'est que le lundi matin, qu'ils franchissent le seuil de l'église, à 7 heures, pour s'unir religieusement.

Le 25 mars 1956, René s'installe à son compte, au 108, Cours de la Marne à Tonneins.

Le premier client est arrivé à 6 heures du matin, pour avoir la primeur d'inaugurer le salon.

Depuis 1956, tous le 25 mars, date anniversaire, Mme Madeleine Magrin portait un bouquet de roses et une poche de nougats. Depuis sa disparition, c'est René qui perpétue la tradition.

C'est dans cette maison, chargée de souvenirs, que René Magrin transmet l'amour du métier à son fils Patrick. Ils travailleront de nombreuses années côte à côte, puis c'est la retraite en 1995 pour René.

Comme chez ses confrères le salon sera le lieu où se referont notamment les courses de vélos où son frère Mario excellait, les matchs de rugby et plus particulièrement le Rugby à XIII, les descentes en kayak, etc.