Hôtel de Ville et jardin public

Texte: Pierrette Bentejac. Photos et cartes postales sélectionnées par Alain Glayroux

Nous vous présentons cet article qui est paru dans la Revue de l'Agenais (1993), bulletin de l'Académie des Sciences Lettres et Arts d'Agen, avec l'aimable autorisation de l'Académie. L'autore, Pierrette Bentéjac, est une passionnée par l'histoire de notre ville. Merci de nous avoir communiqué cette histoire. 

La Mairie de Tonneins

Documents inédits

On ignorait jusqu'ici les conditions dans lesquelles, en 1845, la Mairie de tonneins, avec son jardin public, avait été acquise. Vente ou donation ? Aucune trace dans les archives municipales, ce sont des archives privées qui résolvent enfin l'enigme. 

C'est le marquis de Flamarens (1732-1818), propriétaire du château de Buzet, qui, en 1781-82, fit construire la vaste demeure pour son neveu le chevalier de Bruet, ancien lieutenant-coloner des Dragons de la Reine. Bruet d'une vieille famille de la ville, éteinte aujourd'hui dans les mâles, avait épousé Suzanne Saingassies de Revenac, issue du Mas d'Agenais; elle apportait en dot une maison et métairies sur les hauteurs de Saint-Martin, entre le Mas et Cocumont. 

Leur fille Anne-Marie (1771-1840) épouse en 1801 Pierre, Marquis de Luppé (1769-1841), chef d'une ancienne famille issue du Bas-Armagnac; on peut voir encore, près de Nogaro, l'église de Luppé-Violles, fondée par elle au XIIème siècle, et les fossés de la motte catastrale datant du Xème siècle. 

Pierre, qui sera maire de Tonneins sous l'empire, habite cette demeure offerte par l'oncle Flamarens. Et ce sera son fils Irène, le cadet (1803-1854), futur député de Tonneins à l'Assemblée Nationale de 1848, qui, dès 1845, vendra à la commune non seulement la maison et ses dépendances, mais aussi le vaste terrain de plus de 3 Ha qui l'entoure sur trois côtés. 

Les descendants d'Irène ont conservé le bail à métayage consenti le 10 août 1842 à Pierre Dufour pour une superficie d'environ 2 Ha 50 ares, comprenant une plantation de pruniers, une vigne, un pré où devaient paître trois vaches laitières, et une terre à céréales. 

Pour la maison de maître: un jardin potager avec un rang d'orangers que l'on rentrait l'hiver avec leurs pots, des framboisiers et des abricotiers, le long du mur qui séparait le domaine de la rue. On découvre aussi sur un dessin d'époque une fontaine abritée par une construction surmontée d'une girouette. 

La maison avait primitivement deux ailes et faisait face à un bâtiment également pourvu de deux ailes, ce qui formait une vaste cour. Le bâtiment abritait écurie, remise, bûcher, buanderie; une aile : porcherie, volière; une chambre occupait entièrement l'aile gauche. Au milieu de la cour, il y avait une corbeille arrondie de buis. 

C'est de cet ensemble qu'Irène de Luppé décide de se séparer, après la mort de son père, en 1841. Les transactions avec la Commune ont-elles duré longtemps ? Le premier document conservé est cette lettre du Maire, M. de la Bruyère, à Irène de Luppé : 

Mairie de Tonneins

Tonneins, le 26 mars 1845

Mon Cher Irène,

Comme vous, n'êtes pas un de ces hommes avec lesquels il faut discuter pied à pied un prix, je me borne à vous dire que j'accepte, pour ce qui me concerne, les conditions contenues dans votre lettre du 17 mars. 

Pour présenter au Conseil Municipal la proposition de cette acquisition il faut que je soumette à son approbation un acte sérieux. Vous en trouverez, sous ce pli, le projet: je vous prie de me le renvoyer, approuvé et signé, le plus tôt possible.

Si vous aviez à y faire quelques changements de détail vous pouvez le faire dans la copie que vous m'adressez.

Si le mode des payaments ne vous convenait pas, écrivez-moi au plus vite; parce qu'il faut avant la fixation du budget de 1846 que le Conseil Municipal se réunisse deux fois, d'abord pour adopter le projet et puis pour l'adopter une seconde fois avec les plus imposés de la Commune. 

Vous voyez, mon cher ami, que nous n'avons pas de temps à perdre. 

Mille respectueux hommages à Madame de Luppé. 

Tout et toujours à vous. 

Le Maire, G. de la Bruyère

Le projet d'ace envoyé par le maire de Tonneins à son ami Irène de Luppé prévoyait la somme de 60 000 F, qui était le prix demandé. Le Conseil Municipal, réuni, rejette ce prix, d'où une deuxième lettre de la Bruyère, d'un ton cette fois très officiel : 

Département de Lot-et-Garonne, Mairie de Tonneins

Tonneins, le 19 mai 1845

Monsieur,

Par promesse de vente en date du 4 avril dernier, vous vous étiez engagé à céder à la Commune de Tonneins, pour le prix de soixante-mille francs, la maison que vous possédez avec toutes ses appartenances et dépendances. 

Le Conseil Municipal, dans sa délibération du 10 de ce mois, a accepté la dire vente, mais sous la condition que le prix d'achat serait réduit de dix mille francs, et que la commune n'aurait pas conséquent à vous payer, en douze années, que la somme de cinquante mille francs. 

Je viens vous demander, Monsieur, s'il vous convient d'accepter ce prix afin que je puisse donner à cette affaire la suite voulue par la législation et les formes administratives. 

Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus distinguée. 

Le Maire, G. de la Bruyère

Irène accepte, d'où cette promesse de vente, qui est le projet modifié sur ce seul point, et qui est antidatée (11 mai): 

"Entre les soussignés, M. Gabriel de la Bruyère, maire de la ville de Tonneins, agissant au nom et comme représentant de la dite ville, en vertu de la délibération du conseil municipal en date du 10 mai 1845 d'une part, et M. le comte Irène de Luppé, propriétaire, habitant de ladite ville de Tonneins, d'autre part.

Il a été dit et convenu ce qui suit :

M. de Luppé promet de vendre à la ville de Tonneins la maison qu'il possède dans la ville avec toutes les appartenances et dépendances, consistant :

En maison d'habitation, écuries, remises, chai à vain, buanderie, volière, orangerie, cours, jardin, enclos, allée séparée de l'enclos, puis trois petites maisons situées l'une dans l'enclos servant de logement de colon, et les deux autres dans l'allée, tel au surplus que le tout est désigné au plan cadastral de la commune sous les numéros 566 à 572, 575, 576, 578 et de 245 à 247, pour une contenance de trois hectares, seize ares, trente centiares, sous la réserve qui sera ci-après exprimée. 

La vente, qui sera réalisée par acte authentique aux frais de la commune, dans le mois qui suivra l'ordonnance d'autorisation, sera faite moyennant le prix principal de cinquante mille francs que la commune s'obligera de payer à M. le comte de Luppé ou à ses ayants droits à la caisse et par les mains du receveur municipal dans un délai de douze années et par annuités égales de six mille francs. Ces annuités seront payées chaque année le 31 décembre. Elles seront appliquées d'abord et jusqu'à due concurrence à l'acquit des droits d'enregistrement et des frais de l'acte évalués approximativement à 3 330 francs, des intérêts à raison de cinq pour cent l'an de la partie du prix restant dû, et pour le surplus à l'extinction du capital, de telle sorte que le douzième et dernier paiement sera seulement de 5 985 F 48 tant pour le capital que pour les intérêts.

Il sera dit aussi que la commune aura le droit de se libérer par anticipation et même par fractions du prix de vente, pourvu que celles-ci ne soient pas moindres de 5 000 francs de capital, en avertisssant M. de Luppé au moins trois mois à l'avance.

Ne seront pas compris dans le prix de vente : 

  1. Une parecelle de terrain de forme triangulaire faisant partie du nº 246 du plan comprise entre les piliers des portails de l'allée et le mur du jardin de M. le comte de Bruet, c'est-à-dire à gauche de l'ancienne allée, en allant de la maison vendue vers la ville. Cette parcelle indiquée par une ligne ponctuée sur le plan fourni à M. de la Bruyère est d'une contenance d'environ 3 ares. 
  2. Tous les meubles meublants or non meublants même ceux réputés immeubles par destination et notamment les glace, trumeaux et dessus de portes scellés ou non scellés, tentures d'appartement en étoffe perse, les bestiaux, les outils servant à la culture et deux lions en terre cuite placés sur le mur de séparation du jardin potager. 

La commune aura la pleine propriété de l'immeuble aliéné le jour de la signature du contrat et elle pourra jouir à partir de la même époque de tous les fruits civils et naturels. En conséquence, les intérêts du prix seront dus par elle du jour de la dite signature. Cependant M. de Luppé se réserve expressément un délai de trois mois pour l'enlèvement des meubles et objets mobiliers ci-dessus réservés, entendant pouvoir pendant le dit délai, résider dans la maison d'habitation et occuper les bâtiments de service y attenant soit par lui-même soit par ses gens ayant cause.

M. de Luppé s'obligera à fournir à la ville tous les titres de propriété qu'il possède relatifs à l'immeuble vendu. 

M. de la Bruyère promet et s'engage à faire toutes les diligences pour remplir les formers et conditions voulues pour que la commune de Tonneins puisse être en mesure d'acheter la propriété de M. de Luppé et dans le cas où l'autorité supérieure n'aurait pas autorisé la commune à procéder à cette acquisition avant le 31 mai 1846, la présente police serait nulle et de nul effet et M. de Luppé reprendrait la libre disposition de la chose.

Fait double à Tonneins le 11 mai 1845.

Irène avait jusqu'à la fin d'août pour quitter cette maison qui n'est plus la sienne. Il la quittera le 26 mai, comme en témoigne son journal (1845-1854): 

"Mai 12. Commencé mon déménagement de Tonneins pour Saint-Martin".

"Mai 26. J'ai quitté la maison de Tonneins pour venir habiter à Saint-Martin".

"Mai 27. J'ai fini mon déménagement". 

La vieille demeure construite par Flamarens pour son neveu Bruet, inaugure sa nouvelle destination. 

L'ancien kiosque du jardin public

Article publié par Alain Glayroux, La Mémoire du Fleuve n° 11

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La construction de ce pavillon de jardin remonte au XIXème siècle. La décision se prend en séance du 3 Mai 1870 (compte rendu ci-dessous. 1).

Cet abri de jardin, ne servira pas d'endroit pour fumer le chibouk ou le narguilé comme en Turquie, mais il se veut le témoignage de la gratitude des habitants de Tonneins, pour leurs musiciens. En effet la fanfare de la ville a obtenu un brillant succès au concours d'Agen. La municipalité ajoute une autre raison pour justifier cette dépense : "Le conseil municipal s'associe à cette pensée généreuse et trouve dans cette preuve moralisatrice un moyen d'attirer la population dans le jardin public et d'opposer par des distractions honnêtes, une drogue aux courants malheureux qui entraine la jeunesse dans les cafés chantants".

Le kiosque de Tonneins est le premier construit dans le département de Lot et Garonne, qui en comptera plus d'une dizaine en 1930. Son inauguration est prévue le 15 août 1870, jour où l'architecte s'engage à le "livrer", mais cette date ne sera pas respectée.

En parcourant les registres des délibérations du conseil municipal de Tonneins, pour essayer de trouver d'autres éléments (dimensionnions, ...etc.) concernant cet édifice, je découvre tout d'abord une requête du sieur Jouret datée du 27 juillet 1871, qui réclame le paiement complet pour son travail accompli.

Le conseil municipal décide "qu'il ne paiera que jusqu'à concurrence des sommes légalement votées par l'ancienne administration". De plus, le conseil décide, qu'il n'a pas à s'enquérir des raisons qui ont déterminé M. Desclaux et l'architecte à modifier sans l'avis du conseil municipal d'alors, le plan qui avait été approuvé et à dépasser le devis dans des proportions ruineuses pour la commune. Et il demande que la commune soit autorisée à faire défendre ses intérêts dans cette affaire, soit devant un tribunal, soit devant le conseil de Préfecture. Voilà le début de l'Affaire du Kiosque.

Malgré le jugement du Conseil de la Préfecture (à lire dans la séance du 22 mars 1874) du 23 décembre 1872, la commune fait appel.

Le 9 janvier 1873 le conseil municipal décide d'en appeler à une autre juridiction, et vote à l'unanimité l'autorisation de se pourvoir en Conseil d'Etat contre le jugement susnommé.

C'est lors de la séance du 19 mars 1874, que nous comprenons mieux les raisons de cette escalade juridique, passant à l'ordre du jour l'affaire du kiosque, le maire donne lecture de deux lettres de M. Jozon avocat de la commune au Conseil d'Etat, l'une écrite le 16 février dernier au maire de Tonneins pour l'aviser d'avoir par suite du changement survenu dans l'administration municipale, à désigner le représentant des intérêts de la ville dans le procès relatif au kiosque, et l'autre adressée à M. le Préfet le 16 mars suivant par laquelle il lui fait part de la situation qui est faite à ce défenseur à raison du silence du maire et le prie d'intervenir afin que les intérêts de la commune ne soient plus en souffrance.

Le maire entre dans l'exposé de l'affaire du kiosque et s'exprime en ces termes : les plans et devis furent confiés à un architecte habile, adoptés par le conseil municipal dans la session de mai et revêtu de l'autorisation préfectorale. M. Jauret de Port St Marie, entrepreneur commença les travaux dans le mois de juillet (il s'était engagé à livrer le kiosque le 15 août, jour fixé pour son inauguration). Les fondations furent refaites trois fois sur l'ordre de l'architecte par suite de l'insuffisance du périmètre du kiosque dont le diamètre fut porté de 4 à 8 mètres. Vers la fin de juillet M. l'architecte me fit part dans un entretien particulier de toutes ces difficultés et du retard qu'elles allaient occasionner. Je consentis, vu l'urgence, à l'agrandissement du kiosque reconnu indispensable, pourvu toutefois, que la dépense nouvelle ne dépasse pas la somme de quatre ou cinq cent francs.

M. l'architecte ne s'en tenant pas à cette autorisation verbale et désirant avoir une autorisation écrite, en rédigea une lui-même et me l'adressa avec prière de la signer. Je refusai. Le lendemain M. le secrétaire de la mairie soumit à ma signature une lettre en réponse à la demande du charpentier me priant de lui laisser déposer ses bois dans la cour de la mairie et d'y dresser la charpente. A la fin de cette lettre se trouva reproduite à peu près dans les mêmes termes, l'autorisation réclamée la veille par l'architecte. Après avoir jeté un coup d'œil rapide sur les deux premières lignes, je signais, sans me douter que j'accordais à l'architecte ce que j'avais refusé la veille. Les travaux se poursuivirent au milieu de l'anxiété générale, et en dehors de toute surveillance. Les évènements politiques grandissaient et devenaient de plus en plus menaçants ; la guerre était commencée et une épidémie meurtrière de variole décimait la population ; la stupeur régnait dans la ville pendant la période électorale et devint à son comble le jour des élections municipales après la réception de la fatale nouvelle annonçant nos premiers revers.

Le conseil municipal qui avait précédemment voté les crédits pour la construction du kiosque, fut réélu en totalité le 8 août 1870 et renversé un mois plus tard, sans avoir pu s'occuper de l'augmentation de crédit nécessité par l'agrandissement du kiosque.

Le maire avait-il un intérêt personnel à faire construire le kiosque ? Pas le moins du monde. Sa maison est séparée du jardin public par divers groupes de maisons qui le privent d'entendre et de voir ce qui s'y passe. En s'inscrivant pour un douzième sur la liste des souscripteurs, il avait à cœur d'être agréable à la population, d'encourager et de propager le goût de la musique. Il était persuadé avec tout son conseil qu'attirer la population dans le jardin public, loin des cafés chantants, c'était faire un acte de bonne administration. Pour atteindre ce résultat, il avait acquis la création de la fanfare, fait disposer dans l'hôtel de ville une vaste salle où les musiciens venaient plusieurs fois la semaine étudier et faire des répétitions qui, de ce lieu mal situé, ne pouvaient être entendus que d'un très petit nombre de personnes.

Le maire s'est trouvé fort embarrassé lorsque vers la fin de juillet (25 ou 26) on est venu lui faire part de l'insuffisance du périmètre du kiosque et des difficultés qu'elle devait entraîner. Le temps lui manque pour convoquer légalement son Conseil dont la mission était pour ainsi dire terminée et la dissolution prononcée par le décret qui convoquait les élections le 8 août. Qui ne sait d'ailleurs que dans les derniers moments de leur existence les conseils municipaux trahissent par une défaillance visible. Les esprits étaient à ce moment, trop occupés des évènements de la guerre et des ravages occasionnés par l'épidémie de petite variole pour s'occuper du kiosque.

Dans la situation délicate et difficile où se trouvait le maire, la ligne de conduite était embarrassante ; il lui fallait cependant prendre un parti en présence des demandes réitérées de l'entrepreneur qui avait traité avec les tacherons et qui d'ailleurs ne pouvait retarder les travaux au-delà du temps fixé par le cahier des charges. Pressé, d'autre part, par le désir des musiciens d'inaugurer le kiosque le jour du 15 août, il consentit verbalement devant l'architecte à laisser exécuter les travaux supplémentaires nécessités par l'agrandissement du kiosque, pourvu toutefois que le nouveau crédit ne dépasse pas 500 francs.

Il est évident pour tout homme de bonne foi que la signature du maire apposée au bas du paragraphe de la lettre autorisant la continuation des travaux, a été une surprise. A cette époque troublée par les évènements et les ravages de la variole le maire n'avait pas le temps de lire toutes les lettres qu'il a signé ; comme médecin il avait une il avait une noble mission de dévouement à remplir en consacrant presque tout son temps à ses nombreux malades pendant la période de cette épidémie. On doit donc raisonnablement admettre que s'il avait lu la lettre en son entier, il n'aurait pu autoriser l'architecte à agrandir le kiosque que dans la réserve expresse de rester dans les limites du crédit dont il a été parlé dans l'entretien précité.

Si pour rester dans la légalité, le maire se fut refusé à tout agrandissement et eut fait exécuter le devis primitif, n'aurait-il pas encore un blâme pour avoir dépensé en pure perte l'argent de la commune ? Pouvait-il, immédiatement soumettre la question au conseil municipal et lui demander un vote de crédit avant que l'architecte lui eût remis le plan et le devis supplémentaire. ? Ne sait-on pas, d'ailleurs, qu'après le 8 avril 1870, la France était accablée sous le poids des malheurs de l'invasion étrangère ; le deuil était dans les camps et les affaires publiques à peu près suspendues. Tous les regards étaient tournés vers le théâtre de la guerre où notre valeureuse armée, écrasée par le nombre, soutenait avec un courage héroïque une lutte inégale et défendait avec honneur le sol de la Patrie foulé par une horde de barbares. Etait-ce bien le moment de porter devant le conseil une pareille question ? Et le maire pour régulariser sa position n'aurait-il pas blessé le sentiment national et outragé le patriotisme de son conseil, en venant lui proposer un vote de crédit pour des amusements publics ? Il a cru qu'il était plus digne et plus convenable d'attendre des temps meilleurs.

Pouvait-il avoir la crainte d'être refusé par son conseil ? Et pourquoi ? N’était-ce pas le même conseil qui s'associant au vœu de la population, avait fait construire le kiosque. Pour quel motif se serait-il refusé à son agrandissement reconnu indispensable pour y loger les musiciens ? N'avait-il pas pour payer ce crédit dans la caisse du conseil municipal une somme de sept mille quatre cents francs disponibles, sans affectation spéciale ? Il n'existait donc ni difficulté primaire, ni mauvais vouloir de la part de l'ancien consul, comme le prouve la déclaration écrite de Messieurs les conseillers.

Après cet exposé M. le Maire demande le désistement du conseil municipal et une délibération par laquelle celui-ci accepte le jugement du Conseil de la Préfecture.

M. Frésal répond qu'il croit être l'interprète du conseil en déclarant qu'en faisant, appel au Conseil d'Etat, le conseil municipal n'a visé qu'une seule chose : à ce que la question de principe fut jugée afin que la jurisprudence soit définitivement fixée lorsqu'il se produira des cas analogues à celui pour lequel le maire réclame l'abandon de l'instance.

Le maire met aux voix la proposition qu'il vient de formuler. Cette proposition est rejetée à l'unanimité.

Le maire invite le conseil à désigner le conseiller qui sera chargé de représenter la commune dans l'action en appel qu'elle a introduite auprès du Conseil d'Etat contre l'arrêté du Conseil de Préfecture en date du 23 décembre 1872.

Le conseil nomme à cet effet M. Pomarède premier conseillé inscrit au tableau et charge le maire d'en donner connaissance à M. Jozon.

M. Pomarède prend la parole pour faire la proposition suivante : attendu que l'issue du procès du kiosque, quoique peu douteuse, peut cependant être favorable à la commune, que dans ce cas le montant de la dépense du kiosque s'en trouverait considérablement accrue, dépense à laquelle il faudrait ajouter tous les frais résultants de la condamnation, qu'il y aurait un moyen de désintéresser la question, pécuniairement parlant, et la commune et M. Desclaux lui-même. Que ce moyen très pratique serait de couvrir, à l'aide d'une souscription publique cet excédent résultant des ordres personnels de M. Desclaux, de manière à ce que le budget de la commune ne s'en trouva nullement atteint.

M. Pomarède déclare, pour même assurer le succès de la souscription, s'inscrire d’ores et déjà pour une somme de cinq cents francs.

M. Frésal dit qu'il partage l'ingénieuse idée émise par M. Pomarède mais fait observer qu'une question de principe étant en jeu et intéressant toutes les communes, il y a lieu de la laisser vider ainsi que le conseil l'a toujours décidé et que plus tard, si la commune, contre toute attente, est condamnée, on sera toujours à temps de reprendre la proposition de M. Pomarède.

Le conseil tout en prenant acte de la généreuse pensée de M. Pomarède, se range à l'avis de M. Frésal.

C'est le 22 mars 1874 que le conseil municipal se réuni de nouveau. Après la lecture du procès-verbal de la précédente séance par le secrétaire, M. Pomarède demande la parole : avant qu'il soit passé à l'ordre du jour, dit M. Pomarède, je tiens à rappeler au conseil que dans la précédente séance, le maire, concernant la présidence du conseil municipal, a cru devoir, néanmoins, présenter la défense de M. Desclaux dans une affaire dont les intérêts sont communs à M. Desclaux et au maire actuel.

Que, par suite, le maire n'a point tenu compte de l'article 21 de la loi du 5 mai 1855 ainsi conçu : "les membres du conseil municipal ne peuvent prendre part aux déclarations relatives aux affaires dans lesquelles ils ont un intérêt, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires".

En signalant ce fait je ne désire qu'en établir la constatation ; loin de regretter qu'il se soit produit nous devons, au contraire, être satisfait que M. Desclaux ait pu développer si longuement lui-même les arguments nécessaires à sa cause et qui se trouvent consignés dans leurs entiers au registre des délibérations. Mais je demande à titre de réciprocité, qu'a côté de la défense soient placées les explications que pourrait fournir un membre du conseil municipal en faveur des décisions que celui-ci a prises dans cette affaire.

Le conseil adopte cette réclamation, et M. Touret, désirant soumettre quelques explications, la parole lui est accordée. M. Touret s'exprime en ces termes :

M. Desclaux vous a fait, à son point de vue, un long exposé de l'affaire dans laquelle il se trouve engagé, exposé ayant pour but de provoquer votre désistement. Fixés, comme vous l'êtes, sur cette question vous n'avez pu satisfaire à sa demande. Retracer de nouveau devant vous l'historique de cette affaire, serait superfétatoire puisque vous la connaissez aussi bien que moi ; mais, ayant eu l'honneur d'être délégué par l'administration dont je faisais partie pour la représenter au Conseil de Préfecture, j'ai considéré comme une obligation de ma part d'établir, avec les faits et les écrits à l'appui, un exposé aussi clair que concluant, afin que transcrit sur le registre des délibérations comme l'est celui de M. Desclaux, nos concitoyens, ayant sous leurs yeux toutes les données propres à les éclairer, puissent mieux asseoir leur jugement sur une cause intéressant au plus haut degré tous ceux qui ont à cœur la bonne gestion des affaires communales.

Ceci dit, je commence par le sommaire des faits :

Par délibération en date du 3 mai 1870, le conseil municipal, vu le devis des travaux pour la construction d'un kiosque à 145.52 francs ; considérant qu'une souscription a été ouverte à ce sujet et qu'elle a produit la somme de 600 francs ; vote une somme de 1000 francs pour parer aux dépenses. Le 20 mai suivant le conseil municipal accepte la somme de 600 francs, produit de la souscription faite en ville pour le kiosque.

Quatre jours après M. Desclaux (le maire d'alors) écrit à M. Groux l'architecte : " la question du kiosque a été emportée d'assaut devant le conseil municipal. Une souscription, non encore terminée, mais qui dépasse 600 francs nous a aidé à obtenir 1000 francs du conseil".

Le 18 juillet suivant M. Baudoin secrétaire de la fanfare écrit à M. Groux : "le maire vous invite à venir le plus tôt possible pour vous en entendre avec lui afin d'arrêter les dispositions définitives".

Le même jour M. Tissandier maçon écrit à M. Groux : "le maire à l'arrivée de sa campagne me prie de vous écrire instantanément pour vous prier de vous rendre immédiatement pour en finir avec le kiosque".

Le 24 du même mois (6 jours après) M. Groux écrit de Bordeaux à M. Desclaux et lui expose pendant quarante lignes, c'est à dire une majeure partie de la lettre, les devoirs, quant à un architecte pour se mettre à l'abri de toute responsabilité ; ces observations sont pour lui de réclamer une autorisation écrite afin qu'il puisse procéder à l'agrandissement du kiosque réclamé par le maire.

Le cinq août (onze jours après), M. Desclaux dans sa réponse à M. Groux autorise ce dernier à faire les travaux supplémentaires pour l'agrandissement du kiosque.

D'après les résultats de l'enquête ordonnée par le Conseil de la Préfecture, il ressort :

  1. Le dix août la fondation définitive du kiosque était terminée, la maçonnerie achevée le 25 août et la charpente, le dix septembre suivant.
  2. L'administration entrée en fonctions en qualité de commission provisoire le 26 septembre 1870, n'a jamais pris possession ni du kiosque ni du mobilier.

De tous ces faits il en découle naturellement et obligatoirement les inductions suivantes :

Le projet d'exécution d'un kiosque a été conçu par le maire sans l'assentiment préalable du conseil municipal qui n'en a eu connaissance qu'au moment où son autorisation devenait indispensable ; la preuve c'est qu'il a fallu enlever d'assaut l'allocation des 1000 francs.

Le dix-huit Juillet (pas plus tard et pas plus tôt), le maire a reconnu qu'un agrandissement considérable était nécessaire, et depuis cette époque jusqu'au 15 août, il pouvait bien réunir son conseil, lui faire part du supplément de dépenses jugé utile et remplir toutes les formalités, le temps était plus que suffisant pour se mettre en règle.

En tous cas où était l'urgence ? Y avait-il péril en la demeure ? Et parce que M. Desclaux désirait voir l'inauguration de cet édifice le 15 août, fallait-il pour cela ne tenir aucun compte de l'agrément du conseil et déroger entièrement aux prescriptions de la loi ?

Cela peut-il être une excuse valable ? non, parce que la véritable raison, M. Desclaux la fournit lui-même, était qu'il avait fallu enlever d'assaut une allocation de mille et qu'on désespérait d'emporter d'assaut encore une nouvelle allocation non de mille, de deux mille mais de trois mille francs de plus. Cela parut impossible à M. Desclaux qui préféra autoriser lui- même, malgré toute l'inégalité de sa conduite (il le déclare suffisamment dans une lettre) sauf, une fois les travaux terminés, à les faire sanctionner par un nouvel assaut et en invoquant les faits accomplis, par un conseil municipal habitué à ces genres d'agissements.

S'il est de règle, Messieurs, qu'un Maire puisse engager de son libre arbitre, de sa propre volonté, impunément et sans limites les ressources communales, la ville de Tonneins doit s'estimer heureuse de ce que M. Desclaux trouvant son projet trop mesquin n'ai pas décidé la transformation du kiosque en casino dont la construction put coûter une somme pouvant atteindre des proportions tout autres. Il aurait bien fallu que la commune paye, en espérant qu'elle en bénéficiait.

Mais alors, pourquoi l'autorisation d'un conseil municipal est-elle exigée par la loi, est-ce pour qu'un Maire puisse à tout moment s'y soustraire ?

Mais un évènement bien inattendu survient : le 26 Septembre arrive, les travaux ne sont pas complètement finis, il y manque encore les peintures et ce jour-là M. Desclaux et son conseil sont enlevés par la tourmente (suivant le langage imagé de M. Desclaux) sans que celui-ci ait régularisé sa fausse situation.

Aurait-il réussi à obtenir l'autorisation du conseil municipal ?

Si oui, le conseil qui, connaissait le mauvais état des finances et le peu d'utilité d'une construction semblable, avait consenti néanmoins sur de vives instances et enfin sur la production d'une collecte activement poussée (qui nous a aidé, dit M. Desclaux dans sa lettre du 24 mai 1870 à M. Groux, à obtenir 1000 francs du conseil) et n'arrivant qu'au chiffre de 600 francs au sein d'une population aussi nombreuse et aussi enthousiaste de la musique, au vu d'un devis s'élevant à 1420,52 francs ; le conseil, dis-je, en adhérent à des dépenses supplémentaires portant le montant des travaux à un chiffre triple, aurait commis un acte de condescendance inqualifiable, acte compromettant d'avantage les intérêts de ceux qu'il représentait pour un travail qui n'avait pour but que de prouver un amusement public.

Il est préférable de supposer, et c'est la seule chose admissible, que le conseil se serait formellement refusé de voter de nouvelles charges, laissant à celui qui en avait assumé la responsabilité le soin de les acquitter, et aurait répondu qu'il avait déjà beaucoup trop dépassé les limites des concessions en accédant aux désirs immodérés d'un maire que la question financière préoccupait au point de placer bien au-dessus la réalisation de ses fantaisies.

On ne peut donc expliquer l'adhésion aux actes de l'ancien maire donnée par les membres de son conseil lorsque M. Desclaux fut appelé en garantie, adhésion formulée et écrite par M. Desclaux lui-même, et contredite si éloquemment par ces mots de M. Desclaux à M. Groux "la question a été emportée d'assaut", on ne peut, dis-je, l'expliquer que par un besoin de rapprochement entre le chef et les membres de cette administration, rapprochement que les circonstances ont réclamé dans le but de faire échec à la municipalité qui leur avait succédé. Il est plus qu'évident que sans cela M. Desclaux n'aurait jamais pu obtenir un acquiescement même officieux.

M. Desclaux pour atténuer la faute qu'il a commise en autorisant de son initiative privée l'augmentation des travaux, se retranche derrière une réserve verbale qu'il prétend imposer à l'architecte, à savoir : qu'il n'avait consenti à cette augmentation que jusqu'à concurrence de 4 à 500 francs (lettre du 20 avril 1872).

Cette affirmation qui a le grave défaut de ne se produire que près de deux ans plus tard et que lorsque M. Desclaux est appelé en garantie devant le Conseil de Préfecture ; cette affirmation née des besoins de la cause, est facilement réduite à néant par M. Groux qui répond le 26 avril 1872 à M. Desclaux :

"La construction du kiosque résultant de votre initiative vous suggère des désagréments que je regrette bien amèrement et cela d'autant plus qu'ils menacent de devenir la cause d'une rupture de nos bonnes relations, cela dit je passe à la réfutation de votre lettre du 20 courant ;

"Votre lettre contient plusieurs erreurs que je me fais un devoir de rétablir":

"D’abord je n'ai aucune souvenance de l'offre que vous me dites m'avoir faite de 4 ou 500 francs pour les travaux supplémentaires, si cette proposition m'eut été faite je n'eusse point manqué de vous faire connaître l'insuffisance d'une pareille somme par les calculs suivants aussi faciles que concluants :

"Le diamètre prévu de la construction est fixé par le cahier des charges au devis explicatif à 4 m 80 et sur la demande de l'administration a été porté à 8 m or en principe la surface couverte était de 18 m 59 décis carrés et aujourd'hui de 50 m 26 déci carrés différences en plus 31 m 67 déci. Carrés. Si 18 m 59 coûtent 1631.21 f combien eut dû coûter 50 m 26 ? Réponse 1631.21 X 50 m 26 = 4 489.84 f", 18.52

"Vous voyez que ce calcul est simple et logique......"

"Je lis avec regret dans l'exploit bien regrettable que vous m'avez fait signifier, le passage suivant "que d'un autre côté les honoraires du dit M. Groux n'ont jamais été convenus à dix pourcent". Si avant d'affirmer ce fait dans un acte extra judiciaire vous eussiez pris soin de lire le dossier de l'entreprise vous eussiez pris garde de commettre une pareille erreur".

M. Desclaux a tout le désir de trouver un coupable, un responsable veux-je dire, autre que sa personne qu'il en arrive à affirmer des choses que le bon sens répudie et, comme le dit si bien M. Groux, qu'un calcul simple et logique détruit complètement et d'autres encore qu'un cahier des charges vienne infirmer d'une manière péremptoire.

Reste encore à la charge de M. Desclaux la preuve la plus formelle, la plus irréfragable de la volonté qui a dirigé et fait exécuter l'agrandissement du kiosque ; cette pièce est au dossier, impossible d'en nier l'évidence pas plus que d'en contester la signature qui y est apposée. Que reste-t-il donc à faire à M. Desclaux ? Tacher d'en atténuer l’importance. Et alors vient se produire une allégation insoutenable et à laquelle le plus léger examen vient enlever, s'il pouvait y en avoir, tout caractère de véracité. En effet, que dit M. Desclaux à M. Groux dans la sus-dite lettre du 20 avril 1872 : "je vous ai écrit une lettre préparée par mon secrétaire qui fut présentée à ma signature avec beaucoup d'autres. Je n'ai lu que les premières lignes relatives à la demande de Massartic et je l'ai signé sans avoir pris connaissance de la fin de cette lettre. J'ai donc donné par écrit une autorisation sans le savoir".

Et M. Desclaux, par le plus grand et le plus déplorable des hasards, n'aurait pris connaissance que de trois lignes sur six dont peut se composer cette autorisation ? M. Desclaux aurait oublié d'en lire la partie capitale ? Car voici le texte de l’autorisation :

"En réponse à votre lettre du 24 juillet dernier j'ai l'honneur de vous informer qu'il a été fait droit à votre demande relativement à Massartic. Je vous autorise également vu l'urgence à faire les travaux supplémentaires nécessités par l'agrandissement obligatoire du kiosque que vous auriez dû prévoir dans votre devis".

On croirait plus facilement M. Desclaux s'il avait déclaré ne pas avoir lu du tout cette pièce si importante.

M. Desclaux viendrait prétendre aussi aujourd'hui n'avoir pas lu toute la lettre du 24 juillet où M. Groux, dans un exposé de quarante lignes indique à M. Desclaux les diverses considérations obligeant un architecte, soucieux de mettre à couvert sa responsabilité, d'exiger une autorisation écrite de la part de ses commettants ?

Mais contradiction pour le moins singulière et dont je vous laisse juge.

M. Desclaux dit à M. Groux "que la lettre a été écrite par son secrétaire et présentée à sa signature avec beaucoup d'autres", et son secrétaire déclare et déclarera toujours comme l'exacte vérité ; que la lettre a bien été écrite par lui mais sous la dictée de M. Desclaux.

Voilà cependant les seuls arguments de défense présentés par M. Desclaux ; tous reposent sur des affirmations données sans aucune preuve matérielle à l'appui ; bien mieux des preuves matérielles fournies par M. Desclaux lui-même viennent constamment les contredire et M. Groux, dans un raisonnement indiscutable, se charge d'en démontrer le mal fondé.

Est-ce à dire qu'après tous ces moyens d'excuses mis en avant par M. Desclaux, celui-ci ne se croie pas quand même responsable en partie des fautes commises. Oh ! Non loin de là puisqu'il dit fort bien dans sa lettre du 20 avril 1872 : "il est juste que la responsabilité en retombe sur les auteurs et que je ne suis pas le seul à supporter tout le poids de cette responsabilité".

De quels auteurs veut parler M. Desclaux ? Est-ce de la commune de Tonneins, représentée par son conseil qui, avec juste raison, n'a point voulu prêter la main à une folle dissipation des deniers de ses administrés ; ou bien de celui qui sciemment les avait engagés sans prévention des graves conséquences qui devaient en surgir, au mépris des, convenances et des usages les plus élémentaires et en foulant aux pieds toute légalité, toutes les prérogatives attachées au conseil municipal, prérogatives qui sont la seule sauvegarde contre l'arbitraire et le caprice de tout chef d'administration communale ?.

Il faut que M. Desclaux se sente bien coupable pour en arriver à l'aveu d'une responsabilité dont il ne voudrait point seul en supporter la charge. A ses yeux l'architecte et lui ont commis la faute et il le supplie de vouloir bien le reconnaître.

Et cependant, malgré cet aveu, malgré l'évidence des faits, vu l'inutilité de ce monument, le Conseil de Préfecture, étendant le sens de la déclaration d'autorisation d'agrandissement donné par M. Desclaux, finit par trouver que M. Desclaux semblait faire des réserves au sujet du règlement ultérieur des travaux supplémentaires.

Et parce qu’il semblait, M. Desclaux se trouve renvoyé des fins de la demande. Et parce qu’il semblait l'architecte, quoiqu'autorisé, est condamné à une partie des dépenses. Et parce qu’il semblait, la commune de Tonneins se trouve condamnée à payer les différences, en négation de principe tutélaire de la responsabilité incombant à tous fonctionnaires qui, de propos délibéré et en parfaite connaissance de cause, a contrevenu aux lois régissant la matière.

Me résumant, messieurs :

La construction du kiosque résulte de l'initiative seule de M. Desclaux (lettre de M. Groux 26 avril 1872),

Le conseil municipal de M. Desclaux n'envisage point ce travail comme indispensable, la réponse même, mais accorde néanmoins la subvention strictement nécessaire, après que le vote ait été enlevé de haute lutte (lettre de M. Desclaux à M. Groux du 24 mai 1870).

Autorisation d'agrandissement donné par M. Desclaux seul alors qu'il avait un délai plus que suffisant pour remplir les formalités utiles et pour rester dans la légalité ; cette obligation lui était commandé lors même qu'il eut pu avoir pour excuse (et ici ce n'est point le cas) un péril en la demeure ou une urgence réclamée par la compromission des intérêts de la commune dans le retard que pourraient subir les travaux.

Le devis primitif de 1631 f 21 devait infailliblement arriver à un chiffre triple et M. Desclaux ne pouvait l'ignorer le jour où l'agrandissement était jugé indispensable (lettre de M. Groux à M. Desclaux 26 avril 1872).

Affirmations contraires de M. Desclaux toutes contredites par ses propres lettres, par celles de M. Groux et par la déclaration de son secrétaire.

M. Desclaux se reconnait au moins en partie responsable des fautes commises (lettre du 20 avril 1872).

Donc comme conséquence rationnelle : garantie complète de M. Desclaux vis-à-vis de la commune de Tonneins à l'égard de toutes demandes de sommes exigées au-delà de celle votée par le conseil municipal, et sa condamnation au montant des dépenses dépassant le devis primitif approuvé par les administrations communale et préfectorale ; de plus mise à la charge de M. Desclaux de tous les frais de l'instance.

Je conclus donc, Messieurs, en disant que le conseil municipal a agi sagement en poursuivant jusqu'à la dernière juridiction la solution d'une question de principe intéressant toutes les communes de France.

Il n'est pas inintéressant de savoir, que durant les quatre années d'instruction sur l'Affaire du Kiosque, le pouvoir en place a changé cinq fois, à la suite d'élections ou de décret Présidentiel.

L'Affaire du Kiosque se termine entre le 18 octobre 1874 et le 17 novembre 1874, par le désistement en Conseil d'Etat que vote le conseil municipal de Tonneins. Le maire étant de nouveau M. Desclaux comme au début de l'Affaire. Cette délibération n'est pas datée, et le nom de l'intervenant n'est pas cité. Nous savons, qu'après cette intervention M. Desclaux, maire, quitte la salle. Les propos tenus par le rapporteur expliquent peut-être en partie cette décision ? Pour éviter des répétitions, je n'ai relevé que quelques phrases clés :

"Messieurs, permettez-moi d'appeler votre attention sur une affaire qu'intéresse au plus haut degré la bonne gestion de nos deniers communaux, les droits de l'équité et la dignité du conseil. Je veux parler de la construction du Kiosque dans le jardin public. Affaire que l'esprit de parti à, sinon embrouillé, singulièrement envenimée.

A une certaine époque, il fut question d'un projet de construction d'un kiosque dans le jardin public pour donner des concerts. On s'occupait alors beaucoup de musique et les préoccupations politiques qui sont venues troubler si profondément le pays ne comptait pour rien, il s'agissait des luttes pacifiques de fanfares et d'orphéons ; l'harmonie était partout : c'était un engouement que je voudrais bien voir revenir et qui est déjà bien loin derrière nous.

Les successeurs de l'ancien conseil municipal virent dans cette situation anormale une occasion de susciter des tracasseries, à l'honorable M. Desclaux et prétendirent, sous prétexte d'une question de principes, le rendre responsable de la somme à payer et que le conseil municipal n'avait pas voté...

Les adversaires de M. Desclaux auraient dû s'incliner devant l'arrêté du Conseil de Préfecture, il n'en fût rien tant il est vrai que dans les temps d'agitation politique comme le nôtre, la passion l'emporte sur la raison et les principes de la justice sont méconnus ou sacrifiés....

Dans ces circonstances, Messieurs, notre ligne de conduite est toute tracée, nous, les représentants de la commune, animés d'un véritable esprit de conciliation de dignité, ne devons pas laisser M. Desclaux à découvert et en butte à d'injustes attaques, nous n'avons plus de haines politiques et nous devons avant tout servir les intérêts locaux qui nous ont été confiés...

Et bien ! Je vous propose, Messieurs, de vous associer aujourd'hui même à toutes ces déclarations. Je vous le propose au nom de l’équité et de la loi, au nom des intérêts bien entendus de la commune ; je vous le propose afin de rendre un éclatant hommage au zèle, au dévouement, à la droiture des intentions de M. Desclaux..."

Le conseil municipal délibère, que M. Le Maire sera prié de vouloir bien notifier dans le plus bref délai possible ce désistement à l'autorité supérieure, qu'une somme de 3000 francs, devra figurer au budget supplémentaire de l'année 1875 pour désintéresser entièrement le sieur Jauret ou ses ayants droits.

Le kiosque laissera sa place dans les années soixante à la salle des fêtes actuelle. Ne pouvait-on pas lui laisser une place dans le jardin public !!!, mais, c'est une autre affaire.

Le kiosque actuel nous présente le fleuve depuis la place Jean Jaurès avec une vue panoramique assez exceptionnelle sur Dame Garonne et la plaine de Saint-Germain.

Depuis ce promontoire nous pouvons apercevoir en amont les quais qui nous conduisent dans le quartier Saint-Pierre mais aussi à la place Pisseroulet où le ruisseau Caillou se jette dans Garonne.

En aval se dessine le pont qui enjambe Garonne dans le quartier du quai de la Barre, jouxtant la Manufacture Royale des Tabacs.

 

1) Registre des délibérations du conseil municipal de Tonneins 1870.1877.
2) Carte tirée de "que sont vos kiosques devenus ?", réalisée par ADAM 24 et ADAM 47 1°trimestre 1990.
3) Illustrations, collection personnelle Alain GLAYROUX.
4) Extrait de la séance du 22 mars 1874, registre des délibérations du conseil municipal de Tonneins 1870.1877.

Les anciens Water Closets pour Dames situés au Jardin Public

Texte : Alain Glayroux

Nous venons de mettre à jour deux délibérations du Conseil Municipal de la commune de Tonneins, qui portent sur la construction de Water-Closet pour Dames au jardin public. Ces deux délibérations sont espacées de 40 ans, la première date de 1880 et la seconde de 1920.

Nous trouvons la deuxième demande plus poétique car celle-ci stipule : construction de « Chalets de nécessité pour Dames »Sur le devis il est fait mention d’une clé, avec son anneau scellé au plomb et des targettes renforcés, avec serrures ordinaires.

Nous ne savons pas si ces dames, pour un besoin urgent, devaient s’adresser au garde champêtre ou à l’accueil de l’hôtel de ville. Peut-être que le jardinier du jardin public avait le devoir d’ouvrir la porte le matin, pour la refermer le soir.

Nous ignorons l’emplacement exact de ce lieu d’aisance (pas très loin du foirail), qui visiblement n’a pas déclenché l’ire entre les laïcs et les cléricaux comme nous pouvons le lire dans le roman de Gabriel Chevallier (1934), concernant les « Pissotières » de Clochemerle en Beaujolais (Vaux en Beaujolais).